Zero Waste France, association française engagée depuis plus de 20 ans pour une gestion plus durable et circulaire de nos déchets sur l'ensemble du territoire, mène actuellement une étude sur la tarification incitative pour les déchets ménagers (taxe au sac ou au poids par exemple). Zero Waste France s'intéresse tout particulièrement à l'acceptation ou au contraire l'opposition des citoyens à ce genre de mécanismes incitatifs dans la gestion des déchets.
Zéro Waste est donc à la recherche d'informations concernant les réactions des citoyens wallons lorsque des mécanismes de tarification incitatifs ont été mis en place.
Etopia a publié une étude, que j’ai réalisée, sur les déchets ménagers en Wallonie et sur Bruxelles. Zéro Waste se demande si j’ai pu avoir accès à des documents qualificatifs sur la perception de la tarification incitative chez les citoyens.
Cela fait environ 20 ans que je travaille (épisodiquement) sur ce sujet. J'étais consultant en environnement, et je préconisais de passer au sac payant en 1996... et la réponse des décideurs était déjà : "oui, mais les gens ne vont pas l'accepter". Et quand je disais "mais en Suisse ils le font", la réponse était "ici, la mentalité est différente".
La quasi totalité des municipalités sont passées au sac payant ou à la poubelle pesée quand elles ont été taxées par le pouvoir central sur un excès de déchets par rapport au taux de production auquel on arrive avec un sac payant (sac libre 350 kg/hab/an, sac payant 160 kg/hab/an, taxe sur la commune pour les kilos au-delà de 200 kg/hab/an).
Je ne pense pas qu'il y ait eu d'étude à proprement parlé, j'ai un souvenir précis de journalistes demandant aux citoyens "et vous trouvez cela bien, le sac payant ?", et les/des personnes de répondre "c'est quand même plus juste, avant je payais pour les autres", ce qui a surpris les mandataires.
J'ai encore deux anecdotes :
a) une municipalité est passée à la poubelle à puce (pesée donc) l'année des élections. La majorité a progressé en % de voix et d'élus.
b) la question est souvent "mais n'y aura-t-il pas plus de dépôts sauvages ?". L'expérience dit que non, et encore moins avec la poubelle pesée car le contrôle social est encore plus fort.
J'en viens à la question : y a-t-il des études sur l'acceptation ? Je pense que non, et ce pour plusieurs raisons :
- une étude préalable est biaisée. On sait que les humains sont résistants aux changements. Si on pose la question "voulez-vous changer d'habitude ?", on connait déjà la réponse des non-militants. Les autorités publiques hésitent à dépenser de l'argent pour savoir cela. Evidemment, on peut poser la question différemment : "sachant que vous produirez moins de déchets et que cela vous coûtera moins cher, voulez-vous une poubelle pesée ?", le résultat sera déjà différent.
- De toute façon, on parle de fiscalité/redevance, et faire une enquête préalable sur le sujet est très risqué. Donc pas fait (à ma connaissance).
- Et enfin, certains en font un programme politique, là aussi c 'est un frein à une enquête préalable.
- On pourrait alors faire une enquête à postériori : les gens l'acceptent-ils ? Mais pourquoi faire une enquête payée par les pouvoirs publics qui n'influencera rien ?
- Avec la difficulté suivante : que mesure-t-on ? Une fois que les gens ont posé un acte (ici : utiliser la poubelle pesée ou le sac payant) parce qu'ils doivent le faire, ils vont justifier leurs actes en disant qu'ils trouvent que c'est une bonne idée (à cause de la dissonance cognitive).
- Bien plus intéressant pour les décideurs est le taux de fraudeurs. Il est de plusieurs ordres :
6.1) les dépôts clandestins : ils n'ont pas augmenté entre "avant une fiscalité/redevance incitative" et "après", ils ont même diminué avec la poubelle pesée car on a envoyé des agents chez ceux qui n'avaient pas de déchets sur leur facture en leur demandant comment cela se faisait... Les déchets sont réapparus !
6.2) les déchets mal triés. Dans la poubelle pesée, la poubelle des organiques est moins chère que la poubelle du tout-venant. Très tentant de faire glisser du tout-venant dans l'organique. Il y a un contrôleur qui met un mot dans les boites puis qui passe chez les récalcitrants. Le taux est redevenu excellent.
Les seuls décideurs vraiment intéressés par le taux d'acceptation, c'est... Zéro Waste ! Ceux qui veulent convaincre que le nouveau système proposé ne pose pas de problème d'acceptation.
En plus, il faudrait faire une étude par public cible : les vieux ou les jeunes/les femmes ou les hommes/ les habitants en appartement ou en maison...
Les plus grandes réticences politiques viennent des petites maisons/appartements. Dans la pratique, il n'y a aucune plainte de ces habitants.